Le nu en sculpture au fil des âges

Le nu en sculpture est un révélateur profond de notre rapport au corps, à la beauté, au sacré et au politique. Dans l’Antiquité grecque, il est exalté avec, par exemple, le Doryphore de Polyclète, qui incarne la perfection mathématique du corps masculin, reflet d’un idéal citoyen et moral. À Rome, cette tradition se poursuit avec des œuvres comme le Torso du Belvédère, fragment puissant et charnel, qui influencera jusqu’à la Renaissance.

Le Moyen Âge chrétien évacue presque totalement le nu, jugé coupable et porteur de tentation. Tandis qu’il triomphe en Indes, avec par exemple, les sculptures érotiques sacrées Jaïn et hindouistes des Temples de Khajurâho. Il faut attendre la Renaissance pour voir la chair réhabilitée en Europe, notamment avec Michel-Ange et son David, qui conjugue idéalisation anatomique et force intérieure. À l’époque moderne, le nu devient plus ambigu. Le XIXe siècle redéfinit ses usages : Antonin Mercié, dans Gloria Victis, mêle pathos, beauté et patriotisme à travers un nu masculin héroïque. Jean-Baptiste Carpeaux, dans La Danse, provoque par la vitalité sensuelle de ses figures féminines.

Antoine Bourdelle, renouvelle à son tour l’héritage antique avec L’Archer Héraklès. Ce nu viril, tendu vers l’action, exprime à la fois tension musculaire, spiritualité et symbolisme.

Le XXe siècle déconstruit le corps, avec Brancusi ou Giacometti, pour en exprimer l’essence. Aujourd’hui, le nu est toujours un enjeu politique : diversité corporelle, vieillissement, genre, autant de thèmes qui remettent en cause les anciens canons. La censure persiste, notamment en ligne, révélant que la nudité dérange encore. Le nu sculpté, loin d’être un simple motif, reste un miroir vivant de nos valeurs, nos peurs et notre humanité. Que peut-il devenir à l’heure ou les genres se questionnent, les corps de toutes natures se revendiquent ?

Lors de cette conférence, nous parcourrons l’Histoire de la sculpture avec ces questionnements et nous tenterons de vous faire partager notre fascination pour les plus beaux nus sculptés.

« Il est fascinant de constater qu’au XIXe siècle, dévoiler le corps nu d’une femme du monde était jugé scandaleux, tandis que les allégories de la Vérité, la Liberté ou la Victoire pouvaient s’exhiber nues sans heurts. Cela m’a toujours interrogé : que dit notre tolérance sélective à la nudité sculptée sur les contradictions, les désirs et les normes de nos civilisations ? »

Grégory Poussier